« Les homosexualités », Ed. Fidélité, trimestriel n° 48, Namur, 50 p.

L’auteur de ce petit livre est professeur à l’université catholique de Louvain-la-Neuve, en Belgique. Le pluriel du titre fait référence aux “ modes divers d’expression de cette attirance ” : “ fantasmes ”, “ passions ”, “ vie de couple ”, “ difficultés d’insertion sociale ”. Un encadré donne d’emblée les définitions, pêle-mêle, de la pédophilie, du “ travestisme ” et du transsexualisme. Un autre encadré cite un article de La Croix sur le PACS. Puis, l’auteur utilise de façon orientée les apports de la théorie psychanalytique, puisque les explications psychanalytiques sont juxtaposées avec le “ signe clinique courant ” que serait, selon l’auteur, “ l’influence anormalement considérable d’un milieu féminin (le plus souvent, la mère) ” pour les garçons et “ la position de rivalité avec le père ” chez les filles. Pour ajouter que l’homosexualité peut être une phase, un stade dépassable chez certains… En réalité, de nombreux psychanalystes ne partagent pas ces positions.

Ces clichés teintés de préjugés homophobes passés, la citation de témoignages rend la suite plus intéressante : y apparaît l’absence de choix et l’impossibilité de “ guérir ” ce qui n’est pas une pathologie, le bouleversement relationnel et la question morale que pose l’homosexualité : faut-il lui reconnaître une équivalence avec l’hétérosexualité ou faut-il simplement en prendre acte ? L’auteur ne cache pas sa préférence pour le second terme, en citant largement des partisans de la dissymétrie entre hétéro et homosexualité tel Xavier LACROIX.

Un chapitre est consacré aux textes bibliques. La lecture qui est faite de Genèse 2 (Adam et Eve) et 19, 1-11 (Sodome), de Lévitique 18, 22 (coucher avec un homme comme on couche avec une femme est une abomination) reste très littérale et peu contextualisée. Notre association est citée en exemple d’un “ détournement de la signification de deux figures bibliques ” dans Samuel 18-20, mais l’auteur estime que D&J “ entend bien être un lieu où des personnes en souffrance peuvent réfléchir sur leur vie, leur parcours et bénéficier d’un accompagnement qui les aide à assumer leurs difficultés ”, renvoyant une image fondée mais partielle de la vie de notre mouvement. Ce n’est qu’à propos de Romains 1, 26-27 que l’auteur reconnaît que Paul n’évoque peut-être pas l’homosexualité telle que nous l’identifions aujourd’hui. Mais il s’empresse de conclure qu’ “ il n’est pas conforme au message biblique de considérer l’homosexualité comme une simple variante de la sexualité ”. Il ajoute cependant que “ les homosexuels chrétiens de nos jours ne vivent pas subjectivement leur relation sexuelle comme une contrariété du dessein de Dieu. ”

Au final, les homosexuels, tout comme les hétérosexuels d’ailleurs, sont renvoyés à l’idéal de chasteté, avec d’abondantes citations de textes officiels, qui figurent en bibliographie. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que toute reconnaissance juridique soit montrée comme une négation du “ roc de la réalité ”, du fait que “ l’organisation familiale est établie sur la différence des sexes ”. Et conduit “ à désorienter les jeunes générations ”, qui feraient les frais d’une “ absence de repères ”. L’auteur cite même la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme défavorable à l’homoparentalité à l’appui de sa thèse différencialiste.

On l’aura compris, ce condensé de préjugés exprime l’état d’esprit actuel de la plupart des institutions catholiques : une grande confusion intellectuelle, un discours de tolérance qui masque des positions en complet décalage avec l’état de notre société, mais un début d’assimilation de certaines réalités humaines fondamentales, qui nous pousse à ne pas désespérer tout à fait de notre Eglise…