PMA pour toutes les femmes

Contribution de David & Jonathan

 

Paris, le 27 mai 2018

 

David & Jonathan, mouvement LGBT chrétien ouvert à toutes et tous, s’engage en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Notre mouvement s’implique dans le débat public sur cette question, en faisant entendre la parole de personnes concernées. Nous nous exprimons en tant que mouvement LGBT engagé contre les discriminations, mais aussi en tant que mouvement chrétien, en ayant un regard d’ouverture sur les questions éthiques liées à la Procréation Médicalement Assistée, pour tous les couples de femmes. Aujourd’hui, le débat public qui s’est engagé ne nous paraît pas permettre de faire entendre la parole des personnes concernées, cela questionne la légitimité de certains des débats publics.

L’ouverture de l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée à toutes les femmes est avant tout une décision politique. Elle nous parait être mise de manière inappropriée sur le même plan que d’autres  nécessaires réflexions bioéthiques qui portent sur le contenu même des techniques et la manière de les organiser. Cela a pour effet de détourner le débat des questions essentielles en utilisant les familles LGBT comme épouvantail, en les stigmatisant et en permettant, voir en légitimant, l’expression d’une homophobie latente, d’autant plus que l’on ne donne pas ou peu la parole aux familles directement concernées. Faute d’écoute des parcours de vie, l’ignorance conduit à des approximations dans l’usage des termes et favorise les préjugés, l’homophobie et le sexisme.

La PMA telle qu’elle existe, en France et à l’étranger, le rôle du donneur, l’anonymat du don, sont des questions importantes et délicates. A l’heure où six Français sur dix soutiennent l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, nous pensons que la seule façon d’obtenir une AMP éthique et non discriminante en France, c’est de l’autoriser pour toutes les femmes et de l’encadrer par les mêmes règles que pour les couples hétérosexuels faisant appel à un donneur tiers.

Ces règles peuvent, et doivent, être questionnées et débattues, mais dans un débat public digne et respectueux des personnes, qui doit partir de définitions précises et des éclairages apportés par les chercheurs, sociologues, psychanalystes, anthropologues.

A cette fin, nous vous proposons ici la synthèse des réflexions de membres de notre association et de références utiles (voir l’argument complet dans le document joint).

➡ Arrêter l’exclusion des femmes seules ou en couple homosexuel de la prise en charge de la PMA

La PMA avec donneur tiers étant actuellement réservée en France aux seuls couples hétérosexuels, les femmes seules ou en couple homosexuel sont exclues de toute prise en charge. La société ne peut pourtant pas nier leur existence.

➡ Garantir la sécurité sanitaire de toutes les mères et de leurs enfants

Actuellement, les femmes ayant recours à des méthodes « alternatives » peuvent mettre leur santé en danger. Il est nécessaire de garantir la sécurité sanitaire de toutes les mères et de leurs enfants, et de permettre à toutes les femmes de fonder une famille en toute sécurité.

➡ Mettre en place une déclaration commune anticipée de filiation

L’ouverture de la PMA à toutes les femmes doit être l’occasion d’étendre à tous les couples le dispositif juridique dont bénéficient les couples hétérosexuels (présomption de parenté pour les couples mariés ou simple déclaration en mairie pour les autres couples), ou proposer la mise en place d’une déclaration commune anticipée de filiation, pour tous les projets parentaux de PMA.

➡ L’accès aux origines, une question légitime, mais pour laquelle il faut écouter les personnes concernées 

Lorsque l’on écoute les témoignages des enfants de couples homosexuels, il ressort souvent que lorsque la vérité est dite, lorsque les enfants connaissent leur mode de conception, et que le sujet peut être abordé sans tabous au sein de la famille, la plupart ne ressent pas le besoin d’aller chercher plus loin ses origines. Cependant si l’enfant souhaite savoir qui est son donneur (sans pour autant faire de confusion avec le rôle d’un parent), est-ce juste de le lui refuser, alors même que l’institution médicale, elle, dispose de cette information ?

➡ L’absence d’un parent de l’autre sexe est bien souvent une fausse question pour les enfants issus de familles homoparentales

La plupart des enfants de couples homosexuels témoignent que quand les choses sont claires, dites et expliquées, ils ne ressentent pas de « manque », ni pour ceux qui ont deux papas, ni pour ceux qui ont deux mamans. Ils intègrent simplement que leur schéma familial est différent des autres.

➡ Combattre les contre-vérités

♦ Il n’y a pas de différence notable pour un enfant éduqué par un couple homo ou hétéro

Un très grand nombre d’études montre qu’il n’y a pas de différence notable liée au fait qu’un enfant soit éduqué par un couple hétéro ou homo, et c’est d’ailleurs ce que nous expérimentons au quotidien.

♦ Dans la PMA pour toutes les femmes, il ne peut pas y avoir de « négation des origines de l’enfant »

Dans une famille homoparentale, il n’est pas possible de dissimuler le recours à un donneur tiers. Il ne devrait donc pas être possible de laisser passer, sans les rectifier, des expressions telles que « la PMA sans père », « la négation des origines ». Comme d’autres, nous constatons que ce qui construit l’enfant est de l’élever avec amour et vérité.

♦ La PMA pour toutes les femmes n’est pas un « changement civisationnel »

Ce qui fait famille évolue toujours et partout (famille recomposées, familles monoparentales, etc). Parfois, la notion de famille est plus large (oncles, tantes, amis, parrain, marraine, voire village). La PMA pour toutes les femmes n’est donc pas « un changement civilisationnel ».

♦ La question de la PMA pour toutes les femmes n’a rien à voir avec la question de la GPA

L’accès à la GPA n’est pas une revendication pour la plupart des associations LGBT, car il ne comporte pas de discrimination à l’encontre des personnes LGBT. Aujourd’hui les couples hétérosexuels ont accès à la PMA, sans que cela ait induit la possibilité pour eux d’accéder à la GPA. Cette technique de la Gestation pour Autrui soulève de nombreuses questions, mais elles ne sont pas spécifiques aux personnes LGBT.

♦ Il n’y a pas droit « à l’enfant » mais un désir de fonder une famille dans l’amour

Le désir d’enfant est valorisé dans notre société. Des personnes homosexuelles ressentent les mêmes émotions, les mêmes injonctions sociales, les mêmes pulsions de vie que n’importe quelle autre personne, et peuvent avoir envie de fonder une famille dans l’amour.

♦ La PMA n’est pas « un confort »

Avoir un enfant n’est pas « un confort ». Cette expression vise simplement à culpabiliser les femmes, et ignore totalement, par exemple, la difficulté du parcours d’une PMA à l’étranger.

♦ Ce n’est pas l’élargissement de la PMA qui conduit à une pénurie de sperme

Le problème de pénurie actuel de don de gamètes est bien réel, mais pas lié à l’élargissement de la PMA.

➡ Fonder une famille dans l’amour, une question éthique et spirituelle

En tant que chrétien-ne-s, une parole d’ouverture sur l’accès à la PMA de toutes les femmes peut être apportée, en considérant tous les aspects éthiques et spirituels du débat : fonder une famille, accueillir la vie, accéder à ses origines, l’altérité dans le couple, la question de la paternité, celle des modèles de référence, l’utilisation des textes sacrés et le discours des Eglises. Il s’agit bien là de défendre une valeur universelle qu’est l’amour. Nul n’est exclu de cette invitation à réussir et épanouir son humanité dans la joie de l’amour. C’est un appel que rien ne peut disqualifier ou rendre impossible. A tous égards, cette parole chrétienne d’ouverture enrichit donc cette réflexion.

➡ Partir des parcours de vie des familles, constater qu’il n’y a pas qu’un modèle de famille unique, au lieu de stigmatiser les personnes

La PMA pour toutes les femmes n’est qu’un révélateur du fait qu’il n’y a pas UN modèle de référence hétéroparental unique mais de multiples réalités.

Dans les couples LGBT comme dans la plupart des couples, l’altérité est une richesse humaine dans laquelle peut s’épanouir une famille.

Bien au contraire, Il est important de rappeler qu’il s’agit avant tout d’amour, de l’envie de fonder une famille et d’accueillir la vie en mettant au monde et en élevant un enfant. Le débat ne doit pas être enfermé dans des questions purement techniques, mais situé au juste niveau, par des témoignages de vie, montrant qu’il s’agit d’abord et avant tout d’amour. Enfin, en tant que chrétien-ne-s, nous pouvons prendre conscience du caractère stigmatisant et violent de certains arguments utilisés.