Que disent les Églises chrétiennes au sujet de l’homosexualité ?

Michael – Janvier 2016

Il y a trois passages principaux de la Bible qui sont régulièrement cités comme indiquant la nature pécheresse de l’acte homosexuel : l’histoire de Sodome dans le livre de la Genèse, deux préceptes légaux dans le livre du Lévitique, un passage de la lettre de Paul aux Romains La quasi-totalité des exégètes sérieux considèrent actuePoissonllement que ces trois textes ne parlent pas de l’homosexualité telle qu’elle se vit actuellement.

Dans le texte qui suit, je donne mon point de vue de théologien amateur, passionné de théologie et d’études bibliques. Je vous prie d’excuser les limites et les approximations inévitables dans un si court texte sur un sujet si vaste. Jusque vers 1960 toutes les Églises chrétiennes ont pris des positions négatives au sujet des actes homosexuels, les considérant comme des péchés, des actes de rejet de Dieu, un vice librement choisi. Mais pour quelles raisons? Il y a des différences de nuances entre ces positions et ces différences ont leur origine dans les différentes manières de concevoir l’autorité à l’intérieur de chaque Église.

La Bible
Il y a un point en commun entre toutes ces Églises : l’autorité qu’elles reconnaissent à la Bible, un ensemble de textes divers où Dieu se révèle à nous.

Généralement, les Églises acceptent maintenant que les textes bibliques ont eu des auteurs humains, mais des auteurs inspirés par une expérience de Dieu qu’ils ont vécue eux-mêmes avec leur communauté. Ainsi le texte ne serait pas dicté mot à mot par Dieu, mais reflète une expérience de Dieu située dans une époque et un contexte donnés. Cette approche des textes est appelée historico-critique.

Or il y a trois passages principaux de la Bible qui sont régulièrement cités comme indiquant la nature pécheresse de l’acte homosexuel : l’histoire de Sodome dans le livre de la Genèse (Gn 19,1-28), deux préceptes légaux dans le livre du Lévitique (Lv 18,22; 20,13), un passage de la lettre de Paul aux Romains (Rm 1, 24-28). La quasi-totalité des exégètes sérieux considèrent actuellement que ces trois textes ne parlent pas de l’homosexualité telle qu’elle se vit actuellement.

Dans le premier passage, Loth vit en immigré dans la ville de Sodome où il reçoit la visite de deux jeunes hommes (en fait des anges) et les hommes de la ville, dans une réaction de haine, menacent ces visiteurs de violence sexuelle. À cause de cela, Dieu finit par détruire la ville par une pluie de feu et de souffre. Selon une interprétation, qui remonte au philosophe juif hellénisé Philon d’Alexandrie, contemporain de Jésus, c’est à cause du caractère homosexuel de l’acte prévu que Dieu réagit ainsi. La simple menace d’un acte homosexuel suffirait pour justifier la destruction de la ville et de ses habitants. Cette interprétation a été reprise par les premiers penseurs chrétiens, les Pères de l’Église, et a fini par s’imposer. Néanmoins, une telle interprétation n’est présente nulle part ailleurs dans la Bible: on y reproche à Sodome bien des fautes, mais jamais l’homosexualité. Il semble que la véritable faute de Sodome soit le refus de l’hospitalité (vertu essentielle au Proche Orient) et Jésus lui-même parle de Sodome uniquement dans un contexte où il critique un manque d’accueil (Lc 10,10-12). Notons que Jésus ne parle jamais de l’homosexualité.

God Loves Gay card with Rainbow flag backgroundOn constate une évolution récente vers une acceptation de l’homosexualité, suite à l’adoption d’une lecture moderne, plus rationnelle, de la Bible. Ainsi l’Église Protestante Unie de France (EPUdF) vient de permettre la bénédiction de couples de même sexe après un mariage civil.

Le deuxième passage consiste en deux versets parallèles dans la législation du Lévitique. Le texte hébreu est obscur, mais il semble signifier que le fait pour un homme de se laisser pénétrer par un autre homme constitue une faute grave qui entraîne une impureté rituelle (abomination) et la peine de mort. Il faut noter que ce texte ne s’applique qu’aux hommes, citoyens israélites libres, et ne s’applique ni aux femmes, ni aux esclaves, ni aux prisonniers de guerre. La faute dans cette société patriarcale serait qu’un homme puisse se laisser abaisser à la condition de femme et perdre ainsi son statut de supériorité masculine. Ces textes (comme beaucoup de textes du Lévitique que personne ne songe à appliquer aujourd’hui) sont évidemment conditionnés par un contexte social et une échelle de valeurs qui dans une perspective chrétienne moderne sont périmés.Le troisième passage est du Nouveau Testament. Ici dans un contexte de tension entre Chrétiens d’origine païenne et Chrétiens d’origine juive, Paul veut montrer que les Païens comme les Juifs sont également embourbés dans le péché et ont besoin de la miséricorde de Dieu. Son argumentation est longue et complexe et sa visée première n’est pas de donner des règles morales : alors rien ne justifie le fait d’en extraire deux versets pour prouver que les actes homosexuels sont répréhensibles. Que Paul n’approuve pas les actes dont il parle semble évident, mais il voit ces actes dans un contexte donné. Ou il s’agit d’actes d’un culte païen (car il parle d’idolâtrie) ou il s’agit de simple débauche (courante chez les homos du 1er siècle), mais certainement pas d’une expression d’amour entre deux personnes de même sexe.

D’ailleurs il est clair que la Bible ne parle pas de l’homosexualité telle qu’on peut la vivre aujourd’hui (amour entre deux personnes libres et égales de même sexe) car cela était impensable à l’époque.

Les Église protestantes

Le cas le plus simple d’autorité est la situation dans les Églises protestantes. Ici existe le principe de Sola Scriptura: seule l’Écriture a autorité. Les règles morales doivent se déduire des textes bibliques. Mais même chez les Protestants, la Bible se lit dans un cadre institutionnel qui tend à favoriser le conservatisme. Cependant, en dépit des réticences des conservateurs, dans les Églises protestantes historiques, on constate une évolution récente vers une acceptation de l’homosexualité, suite à l’adoption d’une lecture moderne, plus rationnelle, de la Bible. Ainsi l’Église Protestante Unie de France (EPUdF) vient de permettre la bénédiction de couples de même sexe après un mariage civil (pourvu que la paroisse et le pasteur soient d’accord). Dans les Églises évangéliques, par contre, on favorise une attitude plus émotionnelle, avec une tendance à rejeter l’approche historico-critique de la Bible, jugée trop intellectuelle. Cela donne une lecture littérale, où les interprétations anciennes, comme celle de Philon, ne sont pas remises en cause mais semblent aller de soi. C’est pour cette raison que les Églises évangéliques sont généralement hostiles aux droits des LGBT et favorisent des pseudo-thérapies de « conversion ».

L’Église catholique

3 christliche Symbole in Regenbogenfarben: Kreuz, Fisch, TaubeDans l’Église catholique, la situation se complique, car à côté de l’autorité de la Bible se trouve l’autorité du Magistère (le Pape et les évêques). Les décisions morales du Magistère ne se fondent pas uniquement sur la Bible (ou les Évangiles) mais font souvent appel à des considérations philosophiques, comme dans le cas de la « loi naturelle ». Une telle « loi » aurait l’avantage d’être universelle, car fondée en raison, et pourrait être reconnue même par des non croyants. Selon cette approche, ce qui est moral est ce qui est en conformité avec la nature humaine. Malheureusement la nature invoquée ici est un concept flou et il est difficile de dire ce qui fait vraiment partie de la nature humaine. Ainsi selon les vues actuelles, l’homosexualité ne serait pas conforme à la nature humaine, mais jusque vers 1880, l’esclavage a été justifié comme faisant partie de cette même nature humaine. Cette « loi naturelle » est également invoquée pour justifier l’interdiction de la contraception ou de l’ordination des femmes.

Les Églises orthodoxes

Du côté des Églises orthodoxes, la Bible garde son autorité, mais l’approche historico-critique est considérée avec méfiance. Chez les Orthodoxes, il n’y a pas de Magistère unique, mais une certaine jurisprudence traditionnelle, avec une attitude plus mystique que légaliste. Par ailleurs, les Pères de l’Église gardent un prestige considérable et il est très difficile d’aller contre leurs jugements. Dans ces Églises on valorise la « Vérité éternelle », immuable et on accuse les Églises occidentales (catholique ou protestantes) d’être versatiles. Les Églises orthodoxes sont hostiles aux droits des LGBT, car une telle hostilité fait partie de ce qui est considéré comme la « Sainte Tradition ».

La conscience

La liberté de conscience est un principe présent partout dans le Nouveau Testament et les Églises peuvent difficilement la remettre en cause.
Un dernier point, souvent oublié : toutes les règles morales que les Églises chrétiennes édictent ne sont que des guides, des recommandations « objectives ». Dans tous les cas, c’est la conscience individuelle qui juge de ce qui est moral dans la vie de chaque individu. Cette liberté de conscience est un principe présent partout dans le Nouveau Testament et les Églises peuvent difficilement la remettre en cause. Les règles imposées par les Églises peuvent néanmoins créer des complications dans la vie des LGBT, car toutes les Églises exigent d’être en règle avec leurs lois pour pouvoir participer pleinement à la vie de l’Église.