Le titre annonce la chose : la lettre qu’écrit Alexis à sa femme va confronter l’un et l’autre à une réalité inéluctable : Alexis désire les hommes et le mariage ne lui a pas permis de contenir, sublimer, ni déplacer cette tendance. Introspection, questions liées au désir, à la sensualité, aux sentiments, doute sur la possible conciliation de l’esprit et de la chair, autant de thèmes que Yourcenar aborde de façon fort pudique, sans jamais utiliser le mot “ homosexualité ” qui enfermerait par trop la richesse du vécu d’Alexis. Car plus qu’un mot ou une réalité sociologique, historique ou psychologique, il s’agit là d’une histoire de vie : “ La vie est quelque chose de plus que la poésie ; elle est quelque chose de plus que la physiologie, et même que la morale, à laquelle j’ai cru si longtemps. Elle est tout cela et bien davantage encore : elle est la vie. Elle est notre seul bien et notre seule malédiction. Nous vivons, Monique ; chacun de nous a sa vie particulière, unique, déterminée par tout le passé, sur lequel nous ne pouvons rien, et déterminant à son tour, si peu que ce soit, tout l’avenir. Sa vie. Sa vie qui n’est qu’à lui-même, qui ne sera pas deux fois, et qu’il n’est pas toujours sûr de comprendre tout à fait. […] Comment un terme scientifique pourrait-il expliquer une vie ? Il n’explique même pas un fait ; il le désigne. Il le désigne de façon toujours semblable, et pourtant il n’y a pas deux faits identiques dans les vies différentes, ni peut-être dans une même vie.