Edition Grasset.

L’auteur témoigne de la relation pédophile qu’il vécue avec Didier, un ami de la famille, alors qu’il avait 9 ans et ce jusqu ‘à ce qu’il ose rompre cette relation à 14 ans. C’était il y a 30 ans. Le journal “ Le Monde ” dans son édition du 05 02 2004 relate la façon dont cet ouvrage a vu le jour et qui est l’auteur ; écrire a été pour lui sa façon de dépasser ce traumatisme. Et pourtant, le recul et l’analyse de ce qu’il a vécu ne se traduisent pas d’abord en révolte, en accusation, mais en expression de l’ambiguïté d’une telle relation, à la fois fascinante parce qu’il apprécie, se réfugie même auprès de cet adulte qui l’écoute, le considère comme un adulte et non comme un enfant, et en même temps traumatisante, destructrice. “ j’avais l’impression qu’il était le seul être au monde qui se préoccupait de moi, et j’y courais plein de joie, la mort dans l’âme ” ou encore “ Je le haïssais pour ce qu’il me faisait subir, je l’aimais pour ce qu’il m’apportait ”. L’arrivée des amitiés et des amours féminines ont eu “ l’immense pouvoir de le délivrer ” mais il lui faudra longtemps encore pour parler “ Didier m’avait bâillonné, lié pour longtemps encore. Il m’avait bâti une vie pleine de violence et d’autodestruction ”.. Et pourtant relate Le Monde, Christophe Tison ne le considère pas Didier comme un salaud ; Didier “ avait envers lui un sentiment d’amour ”.

Cette ambiguïté vient aussi du décalage “ inégalitaire ” entre l’adulte, face à son désir, en mesure d’imposer les modalités de la relation et l’enfant en attente d’amour, candide ou peu averti, extirpé par cette relation du monde des enfants…Une relation imposée qui échoue “ plus je vivais avec lui, plus j’étais seul ”, parce qu’elle ne conduit l’autre (l’enfant) à devenir qui il est.

En définitive, un témoignage emprunt de sérénité, de lucidité, de gravité et d’émotion qui permet d’approcher avec justesse la relation pédophile à une époque où celle-ci n’est que scandale (tourisme sexuel, réseaux internet, ecclésiastiques condamnés…), oubliant les êtres humains qui en sont les acteurs, pour n’en retenir que l’acte.